dimanche 11 juillet 2010

Mato no senshi : Chapitre I Retour

CHAPITRE I RETOUR
Dans le Massachusetts, il y a une vieille ville portuaire célèbre sous le nom de Salem. La ville prospéra grâce à la pêche au cours du XIXe siècle, mais les fluctuations de cette activité aux États-Unis l'affecta au point qu'aujourd'hui il ne reste plus que dix pour cent du nombre d'habitants de sa grande époque, subsistant grâce à de petites industries alimentaires. Au centre de la ville, un canal aux eaux troubles que les bateaux ne fréquentent plus mène jusqu'à la baie.
Le long du canal, les vieilles maisons, des reliques du temps passé, renvoyaient les rayons du soleil d'été avec leur peinture blanche en train de craquer. Au coin se trouvait un hôtel de briques construit avant la première guerre mondiale et n'ayant pourtant eu besoin d'aucune rénovation.
Il y avait une chambre au deuxième étage. Elle ne comportait aucun meuble mis à part un lit et un téléphone, le seul bruit était le rugissement retentissant de l'air conditionné estampillé GE. Un homme ne s'en souciant pas le moins du monde avait tous ses nerfs concentrés sur l'ordinateur portable devant lui. L'ordinateur se connectait directement par la ligne téléphonique à Craft, l'intelligence artificielle de l'ISG (International Satanist Garden). L'homme et Craft discutaient depuis plus de dix heures.
Il portait une tunique de lin jaunie, de vieilles chaussures en cuir noir, de plus, ses cheveux et ses sourcils étaient argentés. Il devait avoir environ la cinquantaine. Son nom était Isma Feed. C'était le frère de l'éminent chercheur en ingénierie et en magie du MIT (Massachusetts Institute of Technology) Charles Feed.
Son frère Charles dirigeait l'ISG et se servait de l'alchimie et de la magie afin de faire avancer la science tandis qu'Isma avait dévoué sa vie à la pratique de la magie noire. Pour ceux qui le connaissait, son seul nom les terrifiait comme celui d'un démon. En effet, la posture de l'homme scrutant l'écran comme un aigle lui conférait un air sinistre qui n'était pas sans rappeler un démon.
Isma plissa les yeux comme à demi-clos et tapa sur le clavier comme une araignée le caressant.
> Is that sure ? (Est-ce sûr ?)
> Maybe. (Peut-être.)
L'intelligence artificielle lui renvoya un message instantanée.
« … »
Avec un profond soupir, Isma mit fin au dialogue en ligne.
« C'est difficile à croire mais il ne fait aucun doute qu'un gamin asiatique a réussi à invoquer un démon via ordinateur. »
Il murmurait de ses lèvres sèches. De lourds coups tombèrent sur la porte de chêne.
« Vous pouvez entrer. »
Il éteignit son ordinateur portable et se tourna vers la porte en arrière sans quitter sa chaise. L'ancien propriétaire de l'hôtel avec un sourire mal à l'aise regardait Isma, les sourcils baissés.
« Je n'ai pas eu le choix... »
Il ne le dit pas mais un homme armé se trouvait juste derrière le propriétaire. Un grand homme aux sens aiguisés pointa son arme sur la poitrine d'Isma.
« Mage Isma Feed. Je vous ai enfin retrouvé. »
La voix de l'homme montrait une rancune tenace.
« J'admire vos efforts pour me trouver mais votre manière de me saluer est loin d'être calme. »
Récitant une incantation du bout des lèvres, Isma se leva.
« Malheureusement, le FBI n'est pas connu pour sa politesse. Si j'avais essayé d'énumérer la liste complète de vos crimes, nous aurions déjà les yeux fermés. »
Sa voix tremblait comme si la lueur dans les yeux d'Isma l'intimidait.
« Et bien, vous allez sûrement me demander de vous suivre calmement ? Ça ne serait pas facile de transporter mon corps, n'est-ce pas ? »
Bluffant autant que possible, il mit le doigt sur la gâchette de son arme de poing.
« Ça ne m'ennuierait pas de m'occuper de votre corps... »
La lumière froide des yeux bleus d'Isma fixait l'homme. Le silence dominait la pièce. De grosses gouttes de sueur coulaient sur son visage. Se levant, la tunique d'Isma balaya le sol une dizaine de secondes.
« Arrêtez ! Ne vous approchez pas ! »
Il cria d'une voix sèche alors qu'il reculait. Mais le canon de son arme s'éloignait de la poitrine d'Isma et ne pointait sur rien.
      « Vous auriez dû venir après avoir appelé les renforts. Même si une ou trois personnes n'auraient sûrement rien changé.
      - Uh, uh... »
Le canon bougea lentement, griffant le mur. Peu importe ses efforts, sa main gauche n'arrivait pas à arrêter le mouvement courbe de sa main droite agissant d'elle-même. C'était comme si un bras invisible auquel on ne pouvait pas résister, sa main droite trempant l'arme de sueur pointa celle-ci en direction de son visage.
« Non, arrêtez, argh... »
Le canon froid et acide dans sa bouche poussait sa salive et l'empêchait de crier. Ses deux mains luttant pour l'arme, il s'inclina en arrière et observa le plafond.
Bang !
Le coup de feu étouffé résonna dans la salle. L'instant d'après, le mur du fond fut souillé du sang et de la cervelle venant de la tête de l'homme.
« Joseph, nettoie comme d'habitude. »
Isma parlait au vieux gérant recroquevillé dans un coin de l'auberge.
« Sur ce, je vais au Japon. Cette fois ça pourrait être un voyage assez long. »
Accumulant du sang sous ses chaussures noires antidérapantes, il laissa des empreintes de pas sur le plancher de béton en refermant silencieusement la porte de chêne.
Dans la ville de Kunitachi à Tokyo. Le 20 Juillet à quatre heures de l'après-midi. Pendant les vacances d'été, il n'y avait personne dans la cour du lycée Jûshô. La lumière du Soleil se reflétant sur le lycée s'était enfin apaisée. Les mères de famille et les étudiants à l'air fatigué plissaient les yeux et lui jetaient des regards plein de curiosité.
L'incident au cours duquel tous les élèves d'une classe avaient disparu et la salle de CAI avaient été détruites s'était déroulé il y a une semaine.
« Tous les élèves ont conspiré pour détruire la salle et se sont ensuite volatilisés. »
C'est comme ça que leur professeur, Obara avait expliqué la situation. Toutefois, personne ne pouvait imaginer la vérité et on voyait dans cet incident le signe de la violence grandissante au sein de l'école.
Nakajima Akemi en troisième année avait un beau visage comme une fille et rendait les autres étudiants jaloux. Nakajima qui était un programmeur de génie, en se concentrant sur la similitude entre informatique et théorie magique lui permit d'invoquer un démon sous forme de données numériques. "Avec l'aide de ce démon, je prendrai ma revanche sur ces salauds."
Au début, le démon Loki émergea dans l'ordinateur hôte de la salle de CAI (comme une intelligence artificielle) et satisfit les désirs de Nakajima en manipulant les étudiants par hypnose. Cela fit bientôt de lui le chef du lycée Jûshô. Mais son cœur était vide d'une certaine manière. D'un autre côté, l'existence de Nakajima qui ne lui obéissait pas nécessairement devint peu à peu une gêne pour Loki qui avait l'intention de se matérialiser. Obara qui avait été sacrifié par Nakajima pour sa beauté fut fasciné par le charme de Loki qui se servit d'elle afin de remplacer Nakajima à son service.
Loki chargea Obara de manœuvrer le programme d'invocation des démons de Nakajima. Finalement, Loki parvint à se matérialiser dans le monde Assiah (monde réel), jouissant de sa nouvelle liberté, il échappa à tout contrôle de Nakajima et commença à dévorer les hommes et fit un massacre aveugle.
Ayant plein de remords pour avoir causé une situation aussi catastrophique à cause de sa rancune et de sa curiosité, Nakajima invoqua Cerberus via les données de son ordinateur de poche, mais ce dernier perdit le combat. Dès le début de ce combat, la défaite était inévitable. Cependant, à la fin, un ennemi inattendu apparut face à Loki.
L'étudiante transférée, attachée à Nakajima, Shirasagi Yumiko fut possédée par la Déesse Izanami. Le dur combat acharné et inexplicable réduit vite la salle de CAI en ruines. Puis Izanami s'envola avec Nakajima blessé vers son tombeau. Les poursuivant, Loki se dirigea également à Asuka.
Bien sûr personne n'avait connu les vrais circonstances de l'incident. Quoi qu'il en soit, seuls les faits superficiels, résultats de l'incendie, furent diffusés par les médias de masse d'un manière bien sensationnelle.
« La classe d'élite détruit la classe et disparaît ! » Ce titre faisait la une des hebdomadaires.
Suite à l'incident de la salle de CAI, les autorités en avait interdit l'utilisation jusqu'à ce que la vérité soit dévoilée. Bien qu'elle ait déjà diminué, une odeur insupportable emplissait l'atmosphère des débris. Séparée de la pièce par un mur de verre craquelé, la salle des machines était restée étrangement intacte là où une ombre suspecte se trouvait. Des doigts vernis de rouge couraient sur le clavier.
Les DEL clignotantes comme des abeilles indiquaient que les lecteurs de disques fonctionnaient correctement. La copie complète d'un grand nombre de données ou d'un programme extrêmement vaste s'effectuait probablement. Une fois le tout copié sur une dizaine de disquettes de huit pouces, la femme poussa involontairement un long soupir.
« Professeur Obara, avez-vous fini ? »
La voix rauque d'un homme passa à travers l'entrebâillement timide de la porte. Des yeux inquiets s'y faufilaient.
      « J'aurais des problèmes si on remarque que quelqu'un est entré dans la salle de CAI.
      - D'accord. J'ai presque fini. »
En dépit des paroles nasillardes de la femme, le concierge sortit la tête avec réticence. Claquant la langue, ses doigts rampèrent à nouveau sur le clavier. Un message s'afficha à l'écran.
> PROGRAM"DEMON" (Programme "DEMON")
DELETE YES OR NO? (Effacer oui ou non ?)
L'ordinateur demanda si elle voulait effacer un programme ou pas.
> YES (Oui)
Son doigt caressait la touche puis appuya lentement sur la touche Entrée. Les bandes magnétiques de l'ordinateur hôte tournèrent en claquant avant de vite s'arrêter. À ce moment, le programme d'invocation des démons de Nakajima Akemi disparut de l'ordinateur hôte de la salle de CAI du lycée Jûshô sans laisser aucune trace.
L'homme était comme une ombre accoudée au mur de béton. C'était Isma Feed, sa noble tête dépassait de sa tunique de lin jauni, avec des cheveux argent tombant jusqu'aux épaules. Mais les gens passaient sans lui prêter aucune attention. Ils ne cherchaient pas particulièrement à l'éviter. Ils ne remarquaient même pas son existence. Il avait élevé une barrière magique autour de son corps. Le soleil tapait sur son visage sculpté. Mais il jetait de temps en temps des coups d'œil au lycée, comme s'il attendait quelque chose impatiemment.
Même si je ne peux pas ressentir de Qi. Il est indéniable que ce Nakajima est parvenu à invoquer un démon. Dans le passé, il était très difficile d'invoquer un démon dans le monde Assiah (monde réel) à cause des conditions environnementales nécessaires extrêmement ardues à contrôler, comme le géomagnétisme ou le temps. Ces dernières années, le fort champ magnétique que pouvait instaurer un ordinateur capable d'éliminer une grande partie de l'impact de ces interférences attira beaucoup l'attention des magiciens occidentaux.
À partir des données de l'ISG, Isma avait eu la preuve qu'un garçon japonais avait réussi à utiliser un ordinateur pour invoquer un démon et s'était précipité au Japon. Toutefois, il ne trouvait aucune trace de Nakajima ni aucun signe d'un démon au lycée Jûshô. Même si ça prend du temps, je vais devoir localiser Nakajima...
Tournant les talons, les cheveux argent d'Isma bougeaient lentement. Quand il entendit quelque chose :
« Professeur, veuillez garder ce qui s'est passé aujourd'hui secret... »
C'était une voix suppliante. Regardant derrière lui, il vit une femme tenant un grand sac se servant de sa main pour éloigner un homme d'âge moyen. Une femme... non, ce n'est pas tout. Le magicien Isma sentit un puissant Qi venant d'Obara. On voyait de l'irritation de le regard de celle-ci qui marchait en direction d'Isma sans se rendre compte qu'il la fixait. Elle possédait un charme féminin de plus en plus grand comme un mannequin inexpérimenté avec des proportions parfaites. Son regard chaud mais pourtant sombre n'inspirait que le désir du fruit défendu.
Un démone est vraiment apparu dans le monde Assiah. Le corps de cette femme abrite une vie démoniaque. Les lèvres d'Isma se déformèrent. Obara s'approcha. Isma cligna des yeux deux ou trois fois. Il s'agissait sûrement du signal pour désactiver la barrière, Obara fut arrêtée net, comme foudroyée par la surprise. Juste devant elle se trouvaient des yeux bleus qui la fixaient étrangement. Au plus profond de ses yeux, on pouvait voir une lueur malfaisante révélant l'atrocité de son esprit. Obara arrêta ses pas comme si elle avait été aspirée dedans.
Obara vouait un culte de sentiments à Loki... En juin, elle avait été offerte en sacrifice à Loki par l'étudiant Nakajima Akemi via un ordinateur. Loki qui ne pouvait pas encore prendre forme dans le monde réelle, l'a prise dans un monde numérique. L'envoûtante Obara n'ignorait rien des hommes. Mais le tourbillon de plaisir proche de la mort marquant la communion avec un démon amena le mal innée de cette femme à son paroxysme. Loki finit par acquérir la faculté de se matérialiser dans le monde Assiah. Obara s'abandonna corps et âme à Loki et portait l'enfant du démon. Mais après être parti à la poursuite de Nakajima qui s'était enfui à Asuka, Loki coupa toute communication avec elle. Impossible, Loki n'a pas pu perdre face à Nakajima. Contrairement à ce qu'elle pensait, bien qu'ayant relancé le programme d'invocation des démons plusieurs fois, Loki ne répondait toujours pas. À sa place, seul le démon Seth apparut.
De plus, maintenant qu'il était formellement interdit d'entrer dans l'importante salle de CAI, utiliser les ordinateurs était plus dur que de déplacer une montagne. Elle se demandait où elle pourrait se servir du programme d'invocation des démons qu'elle avait tant bien que mal réussi à voler pour contacter Loki. Obara n'y avait même pas encore songé. Mais au moins j'ai le programme. Obara hâta le pas comme pour oublier la vision de Loki.
« Yod, Heh, Vav, Heh. »
Une voix toute proche lui dit cela. Les pieds d'Obara s'arrêtèrent aussitôt.
« … »
Regardant derrière elle, Obara vit les dents blanches d'Isma entre ses lèvres. Sûrement à cause de l'absence de sa barrière, les yeux écarquillés des passants sur le trottoir fixait l'étrange combinaison de cette charmante jeune femme avec cet étranger suspect.
« Allons-y. »
Obara muette, Isma ferma les yeux à moitié et commença à marcher en silence. Comme tirée par un fil invisible, Obara lui obéit et le suivit.
Il était pressé. Le visage rouge de cet homme chauve posé sur son cou de taureau brillait d'impatience. Parmi les gratte-ciels de la sortie Ouest de la gare de Shinjuku, se trouvait le Saito Hotel Plaza reconnu pour abriter de nombreux étrangers. Trottant dans le hall vers l'ascenseur, ça ne correspondait pas vraiment à l'image de cet hôtel.
C'était Shimazaki Ryuunosuke. Il avait une réputation d'infâme financier rachetant et vendant des entreprises avec des capitaux étrangers. On disait que les trois cents sociétés affiliées à Shimazaki pouvaient facilement faire plus de cinq cents milliards de yen (un peu moins de cinq milliards d'euro) par jour. De plus, il avait beaucoup d'influence au sein du parti libéral au pouvoir. Qui pouvait-il aller voir seul et sans son secrétaire ? L'ascenseur alla au quinzième étage où Shimazaki s'arrêta devant la porte portant la plaque 1504.
« Loki est un démon ! Un démon ne peut pas mourir ! »
Les cris hystériques d'une femme interrompirent les mouvements de Shimazaki. Il prit une note dans sa poche sceptique et vérifia le numéro de la chambre. Finalement, il frappa à la porte.
« Alors désormais, c'est un démon du nom de Seth qui est apparu à la place de Loki. »
Impatient, Shimazaki éleva le ton.
« On dirait, selon les dires de Miss Obara... »
Alors qu'il répondait, les fines lèvres d'Isma se déformait dans un sourire atroce. Il rapporta avec minutie toute l'histoire narrée par Obara à Shimazaki. Pendant ce temps, préoccupée, Obara se tenant debout posa sa main sur la poignée de la porte.
« Où allez-vous ? »
Isma posa un regard noir sur Obara.
« Je n'ai pas d'ordre à recevoir de vous. »
Exaspérée, elle lui renvoya son regard. Mais cela ne perturba pas Isma du tout. Comme volant dans les airs, son bras effilé attrapa instantanément la nuque d'Obara alors maîtrisée.
« Que pensez-vous pouvoir faire toute seule ? Nous ne sommes pas sûrs que Loki soit mort. Mais si vous ne cessez pas d'opérer le programme d'invocation des démons avec vos connaissances très limitées, vous finirez juste par vous faire tuer par Seth ! »
Pour se débarrasser d'elle, Isma jeta Obara. Tombée accroupie, sa nuque blanche portait de belles marques rouges et noires de ses doigts. Écartée de la porte, Obara dans un mélange d'humiliation et de honte soupirait fortement.
      « Mister Shimazaki, j'aimerais que vous me prépariez rapidement un ordinateur.
      - Bien sûr, Saint. Que ce soit un supercalculateur d'IBM ou bien un Cray 1, votre machine sera celle que vous voudrez. En contrepartie, vous me laisserez utiliser la puissance du démon... »
Shimazaki se frottaient les mains vers le bas. Isma lui répondait par un sourire ironique quand il vit Obara tenter de fuir en rampant.
« Vous n'avez toujours pas compris ! »
Se retournant,
« Yogso-oth, Ya, Ryubikei, Hara »
Isma murmura une incantation. Au même instant Obara roula au sol dans un gémissement animal. Ses mains saisissaient désespérément son gorge. Ses ongles manucurés, d'un rouge brillant s'enfonçaient dans sa gorge, déchirant les muscles et faisant couler son sang.
« Cette marque sur votre gorge ne disparaîtra pas aussi facilement. À chaque fois que je jetterez un sort, vous pourrez déguster la souffrance de la potence. »
La voix d'Isma aux oreilles d'Obara se tordant de douleur paraissait un écho lointain.
Tout autour de Nakajima s'étendait le vide infini. Pas de lumière, pas de ténèbres, le chaos seulement. Un instant plus tôt il était entouré par les murs en cinabre rouge protégeant la tombe d'Izanami et par l'air pur l'environnant. La peur l'avait fait s'agenouiller. Sur son visage effilé à la beauté féminine, ses yeux an amande étaient fermés de toute leur force. Mais dans son crâne, une voix digne l'en réprimandait.
« Lève-toi... et pense aux personne qui ont besoin de toi en ce moment même ! »
Nakajima se figurait de toute ses forces le visage de Yumiko. Le brouillard blanc tourbillonnant devant ses yeux commença à former un visage humain.
« Yumiko ! »
Mais dès qu'il eût prononcé son nom, le brouillard perdit sa forme. Son corps semblait bizarrement assez petit.
« Nakajima, il y a quelqu'un d'autre que moi qui a plus besoin de toi. »
C'était la voix familière de Yumiko. Mais, elle s'éloigna bientôt.
« Akemi, Akemi. »
La voix la remplaçant était totalement effondrée et ne cessait d'appeler son nom. Par réflexe, Nakajima boucha ses oreilles avec les deux mains. Les appels de la voix se faisaient de plus en plus bruyants. Face à la puissance de cette voix, Nakajima avait l'impression d'être de plus en plus petit. Le brouillard blanc s'agrégea de nouveau pour représenter une superbe femme lui ressemblant. C'était la mère de Nakajima.
« C'est faux ! Je n'existe pas à tes yeux. »
Il criait comme un enfant grincheux. Mais cela n'atteignit pas la voix. L'antipathie qu'il éprouvait pour sa mère toujours absente était peut-être assez forte pour submerger son ego. Mais le brouillard grossit bientôt alors qu'il l'enveloppait peu à peu.
« N... O... N ! »
Sa résistance désespérée affaiblit un instant le flux du brouillard. Le magnifique visage regardait vers lui plein de tristesse. Comme détachant les cordes l'opprimant, ce doux regard éclaircit le cœur de Nakajima.
« Maman... »
Au moment où il murmurait, son corps se changeait en une des gouttelettes d'eau formant le brouillard. C'était comme si pendant un instant d'euphorie totale, il avait rejeté son corps. Le brouillard entourant Nakajima commença lentement à se déplacer. Il n'y avait ici ni distance ni temps. J'aimerais déjà y être. Ainsi priait Nakajima. Mais sans qu'il le remarque, le vide était devenu une image de la réalité.
Une lumière tamisée sur des murs blancs tourbillonnait autour de Nakajima. Du coin de l'œil, il vit le profil attristé du visage de sa mère.
« Maman. »
Un sentiment de flottement, comme s'il se trouvait en apesanteur, troubla sa conscience.
« Hmm... »
Alors qu'il gémissait et se relevait, il se trouvait déjà de retour dans le monde réelle. Un canapé familier ; un buffet familier ; quelque part dans cette pièce silencieuse se trouvait la forme de sa mère esseulée, perdue dans ses pensées.
Au même instant où Isma Feed rencontrait Obara pour la première fois, un étranger pénétrait le cabinet du premier ministre. C'était aussi le même instant où la puissance de la déesse Izanami avait renvoyé Nakajima dans le monde réelle où sa mère l'attendait.
« All right, Richard. I'll do my best for your friend Dr.Feed (D'accord, Richard. Je ferai de mon mieux pour votre ami Dr. Feed) »
Il raccrocha l'appel international et ses yeux scrupuleux cachés derrière ses lunettes regardait l'étranger assis sur le canapé avec perplexité. C'était Fujita, le Secrétaire Général du Cabinet.
« C'est inévitable. »
Se raclant la gorge, il appuya sur le bouton de son interphone d'un doigt robuste.
« Envoyez-moi Narukawa du Service Spécial d'enquête. »
Peu de temps après son ordre, Fujita se leva.
      « Dr Feed, je viens d'accepter la requête du conseiller présidentiel Richard vous concernant
      - Merci... »
Le grand homme blanc et mince se leva brusquement du canapé. Il avait de superbes cheveux blancs accompagnés d'une barbe blanche lui allant à la perfection. C'était le fondateur du ISG, le professeur du MIT, Charles Feed.
« S'il-vous-plaît, attendez un instant, Dr. Feed. »
Retenant son visiteur par un sourire maladroit, Fujita s'assit à l'autre bout du canapé.
      « Je me demande avec beaucoup d'intérêts pourquoi vous vous passionnez pour cette affaire de disparitions survenues dans un de nos lycées japonais. De plus, je n'arrive pas à comprendre comme vous avez pu obtenir le soutien du Conseiller présidentiel...
      - Même si j'essayais de vous l'expliquer brièvement, il est probable que vous ne me croiriez pas. »
L'expression du professeur Feed se troubla. On frappa à la porte.
« Entrez. »
Tout en le disant Fujita se retournait alors qu'un petit homme tel une ombre refermait la porte derrière lui.
« Laissez-moi vous présenter Narukawa du Cabinet des Renseignements et du Service Spécial d'enquête. Sans l'aide des Départements de police, mener librement votre enquête serait difficile. Ainsi, quelque soit la situation, cet homme pourra garantir votre liberté d'action. »
Narukawa tendit sa main droite. Il y avait des traces de brûlures sur sa paume pâle.
« Enchanté, Mister Narukawa. »
Juste après avoir saisi la main de Feed, ce dernier leva la tête, se penchant en arrière comme si on lui avait envoyé un courant électrique.
« Narukawa est maître d'arts martiaux en tous genres. Il pourra facilement assurer votre protection en tant que garde du corps également. »
Aux mots de Fujita, Narukawa regarda Feed et son visage mince marqua un sourire audacieux.
Les arbres de Musashino baignés dans la lumière du soleil défilaient sur les vitres de la Cadillac qui roulait en direction du lycée Jûshô.
« Ce sont tous les documents se rapportant à Nakajima Akemi, n'est-ce pas ? »
Profondément enfoncé dans le siège arrière de la voiture, Feed interrogeait l'inspecteur Iwama assis à côté de lui, caressant sa barbe.
« Oui. C'est un lycéen des plus normal, alors on n'a pas tant de données que ça. Mais Dr. Feed, pensez-vous vraiment que ce Nakajima est le cerveau de cet incident ? »
Iwama ne comprenait toujours pas pourquoi cet étranger avait été autorisé à mener l'enquête.
      « En un sens, je pense qu'il a été victime lui aussi. Cependant, il y a joué un rôle très important.
      - En avez-vous une preuve ? »
Le ton d'Iwama ne cachait pas le sentiment désagréable dans sa poitrine. Nous avons terminé nos recherches sur les étudiants il y a longtemps. Nakajima Akemi semblait bien attirer beaucoup l'attention des autres mais n'avait aucune propension à la violence. Il avait aussi une très bonne réputation auprès de ses professeurs. Mais Feed ne prêtait aucune attention à l'attitude d'Iwama alors qu'il était occupé à feuilleter les documents entre ses mains.
      « Les données qu'il a laissées sur la base de donnée que je dirige en sont la preuve. Lorsque l'incident est arrivé...
      - Le 13 Juillet, entre dix et douze heure du matin, heure locale. »
Une voix sans émotion se fit entendre du côté conducteur. C'était Narukawa.
      « Au même moment, Nakajima discutait en ligne avec l'intelligence Craft située à Arkham, dans le Massachusetts.
      - Quoi ! Pourquoi avez-vous garder pour vous un fait aussi important jusqu'à maintenant... Non, pardon. Mais, vous allez naturellement nous en révéler le contenu j'imagine.
      - C'est bine parce que ce contenu n'est pas aussi facile que ça à révéler que je suis venu jusqu'ici. »
Le ton de Feed était très calme.
« Mais pour l'enquête, c'est... »
S'étant levé par réflexe, la forte décélération fit tomber Iwama en avant. La Cadillac noire avait déjà tourné et était passée par le portail du lycée Jûshô.
Ces collègues se taisent sur quelque chose. Iwama continuait à exposer la situation alors qu'il fronçait les sourcils à cause de l'odeur et de la chaleur de la salle de CAI qui avait été scellée.
« Alors vous n'avez pas encore été en mesure d'identifier cette matière ? »
Tout en mettant un peu de cette substance adhésive disposée sur les décombres dans une boîte de pétri avec un geste expérimenté, le professeur Feed interrogeait l'inspecteur.
« Malheureusement, pas jusqu'à présent... »
Iwama fronçait les sourcils. Au même moment, le son d'une transmission se fit entendre sur un transmetteur attaché au bras de Narukawa.
« Désolé, j'ai reçu un appel du QG. »
Comme toujours, Narukawa ne faisait aucun mouvement inutile. Le visage du professeur en charge de la salle de CAI fit son apparition depuis la salle des machines.
« L'ordinateur hôte est prêt. Par ici je vous prie... »
L'air conditionnée se mettant en marche, de l'air frais circula enfin dans la pièce semblable à un sauna.
« La machine vient d'IBM n'est-ce pas ? »
Expert dans ce domaine, Feed commença à examiner le contenu des programmes en mémoire sur l'ordinateur hôte. Alors que ses doigts noueux entraient les commandes, une liste gigantesque des programme apparut à l'écran.
« MATHEMATICS I, It's not! (MATHÉMATIQUES I, ce n'est pas ça !) »
Une marque rouge s'ajouta à la liste des programmes qu'il regardait.
J'aurais peut-être dû vérifier le contenu des ordinateurs en effet... Iwama regrettait en silence alors qu'il observait Feed passer en revue toute la liste à l'écran.
« ENGLISH READER II, It's not! (Lecteur anglais II, ce n'est pas ça !) »
Feed qui avait suivi toute la liste à l'écran dans l'ordre, tel un aigle scrutant l'horizon baissa les vite les épaules ensuite.
      « Le programme que je cherche n'est peut-être pas ici. Après tout, il aurait pu être ajouté aux fonctions de l'OS (système d'exploitation) directement. Puis-je avoir la documentation de cet OS ?
      - Si vous la voulez, elle est gardée dans la salle des professeurs. »
Le professeur en charge avait l'air de ne rien comprendre.
« Non attendez... »
Soudain, Feed lança un regard nerveux vers Iwama et le professeur.
      « Quelqu'un aurait-il modifié ce système depuis l'incident ?
      - La police a naturellement fait interdire tout accès à cette pièce. »
Le regard d'Iwama se tourna vers le professeur. Au même instant, Narukawa revint et remit une note à Feed.
« N. came back (Nakajima est revenu) »
À la simple vu du mot, le visage de Feed s'illumina.
L'homme qui s'asseyait avec beaucoup d'hésitation sur le canapé s'était présenté comme étant Saga du Cabinet des Renseignements et du Service Spécial d'enquête. Le nom de l'organisation était peu connu. À en juger pas sa façon de parler, celle-ci devait être plus importante que la police. Pourquoi une telle organisation s'intéressait à son fils ?
« Madame, nous avons réellement besoin de votre aide pour cette affaire. Pour Akemi... »
En réalité, son fils ne lui avait pas parlé du tout de ce qui s'était passé au lycée Jûshô. Mais depuis son retour, quand il était apparu de nulle part, une lumière chaleureuse qu'elle ne lui connaissait pas brillait dans ses yeux. C'étaient des yeux doux qui l'enveloppaient totalement mais il y avait autre chose.
Akemi n'avait rien dit. Après son retour, il était resté perdu dans ses pensées et il fallut une petite heure avant qu'elle ne remarque son visage derrière elle. Elle s'était alors dirigée vers lui et dut se contrôler de toutes ses forces pour ne pas l'étreindre. Elle était en effet persuadée qu'il partirait à nouveau loin d'elle si elle faisait cela. Akemi s'enferma dans sa chambre comme s'il avait réussi à remettre ses idées en place puis s'endormit comme une masse. Mais cela suffisait à sa mère. Son instinct maternel lui disait qu'il avait subi une expérience extrême pendant cette semaine d'absence.
Ce qui s'est passé ou ce qui ne s'est pas passé, je ne le saurai jamais. Mais au moins Akemi ne m'a pas abandonnée. Elle sentait désormais l'amour de son fils, venant du fond de son cœur. Je ne pardonnerai à personne de menacer Akemi ! Mis un peu mal à l'aise par le regard sévère de la mère, Saga sortit un paquet de Mild Seven (cigarettes japonaises) de sa poche de poitrine.
« Excusez-moi, auriez-vous un cendrier ? »
Dès qu'il ouvrit la bouche, la sonnette retentit. La mère alla alors à l'interphone mural.
« … oui, votre collègue est déjà arrivé. Attendez, j'ouvre. »
Répondant à la voix dans les haut-parleurs, elle se mordit la lèvre inférieure ayant pris une décision, et se dirigea vers la porte. Souriant amèrement, l'homme rangea sa cigarette dans le paquet et la suivit.

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